M.le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
J’ai le grand plaisir de me retrouver ici avec vous. Je sais que vous êtes tous préoccupés par les tarifs douaniers américains et leurs conséquences pour nos deux pays, l'Europe et le monde entier. Et voilà ce que j’en pense.
Premièrement, c’est quoi les «droits de douane réciproques américains » ?
Inutile de chercher à expliquer par la logique économique, car ça n’a pas de sens. Certains parlent de « tactique de fou » dans les négociations. D'autres y voient un test de soumission par la coercition. À mes yeux, c'est un mélange d'égoïsme et d'hégémonie, l’intention de pillage d'une superpuissance. Les États-Unis sont bâtisseurs du système économique et en ont tiré les plus gros bénéfices. Mais ils veulent maintenant tout rafler, les bénéfices industriels, commerciaux et monétaires. Ils veulent remplacer la coopération par la domination. En un mot, la vassalisation du monde.
Deuxièmement, ces «droits de douanes» peuvent-ils réussir ?
Bien sûr que non. Les problèmes des Etats-Unis sont les conséquences de la gestion du pays. Mais ils prescrivent des ordonnances qui font souffrir le monde entier. Leurs mesures vont à l’encontre des lois économiques, et bien sûre insoutenables. La pratique du bullying est contre la volonté du monde entier et le courant de l’Histoire. Personne ne peut ramener le monde aux XVIIIe-XIXe siècles. La loi Smoot-Hawley des années 1930, qui taxait massivement les importations étrangères, a fini dans la poubelle. Et ce que fait Washington aujourd’hui est condamné au même sort.
Troisièmement, quelles sont les conséquences ?
La guerre commerciale est un coup dur à l'ordre économique mondial. Personne n'en sortira gagnant. Les pays vulnérables sont encore plus exposés. Les tensions sociales et politiques montent, de même que les risques de conflits locaux. Les États-Unis en font également les frais. Selon le FMI, à cause des tarifs américains, la croissance mondiale pourrait tomber à 2,8% en 2025, un demi point de moins par rapport à la prévision du janvier dernier; et la croissance des États-Unis chuterait à 1,8% (0,9 point de moins), puis à 1,7% en 2026.
C’est pourquoi la Chine a réagi fermement. Nous refusons les pratiques hégémoniques et défendons nos intérêts légitimes et le fruit du travail des Chinois. En nous défendant, nous défendons les règles commerciales internationales et la justice. Le commerce international est un système complexe, et les frictions sont inévitables. L’essentiel, c’est de les régler sur la base de l'égalité, du respect et des bénéfices mutuels, et non recourir à la pression, à la menace ou au chantage.
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Les abus tarifaires américains constituent un défi commun. A travers des échanges avec les Français de tous les milieux, à Paris comme en province, j'ai le sentiment que tout le monde est unanime à préserver le multilatéralisme. La Chine et l'Europe représentent ensemble plus d'un tiers de l'économie mondiale. Leur coopération bilatérale et avec la plupart des pays du monde est garantie de l’avenir du multilatéralisme et du système commercial mondial. Ensemble, la Chine et l'Europe peuvent continuer à construire un monde multipolaire équitable et ordonné, et promouvoir une globalisation économique inclusive et bénéfique pour tous.
Certains sont soucieux d’un détournement des flux commerciaux chinois. Je vous donne un exemple rassurant. Depuis 2017, les exportations chinoises vers les États-Unis sont passées de 19,2% à 14,6% du total de l’exportation chinoise, tandis que celles vers l'Europe restent stables autour de 14%. La baisse des exportations vers les États-Unis n’a pas conduit à une flambée de l’exportation vers l’Europe, et cela dû à la diversification des destinations d’exportations. Ne vaut-t-il pas mieux de voir les opportunités offertes par le méga-marché chinois de 1,4 milliard d’habitants ?
Et j’aimerais aussi vous écouter sur ces sujets d’intérêt commun. Merci.